Ce qu'il faut savoir

Modification de la loi électorale en RDC : une deuxième proposition de loi déposée, pour quoi faire ?

10/11/2021

Plus d’une année après le dépôt de la proposition de loi modifiant et complétant la loi électorale par le G13, une autre proposition de loi portant sur la même matière vient d’être initiée à l’Assemblée nationale. Quelles en sont les idées-forces par rapport à la précédente initiative ?

C’est depuis le 5 novembre que le député Coco-Jacques Mulongo dit avoir déposé une proposition de loi modifiant et complétant la loi portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales. Sa démarche intervient presque 14 mois après le dépôt à l’Assemblée nationale d’une première proposition de loi sur cette même matière, initiative du G13, groupe de 13 personnalités, essentiellement de députés, qui voulaient, à l’époque, amorcer la recherche d’un consensus autour des réformes électorales dans le pays.

Si la proposition de loi de G13, baptisée depuis « proposition de loi Lokondo » en hommage à l’un de ses co-auteurs, Henri-Thomas Lukondo, décédé, préconise des modifications de plusieurs articles de la loi électorale, touchant à la fois les questions de la transparence des opérations de vote, des modes de scrutin et de la traçabilité des résultats, celle de Coco-Jacques Mulongo rétrécit le champ des dispositions de la loi électorale susceptibles d’être modifiées ou complétées.

Pourquoi la suppléance se retrouve dans le viseur de Mulongo

Pour ce député de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti présidentiel), l’accent doit être mis sur le système actuel de suppléance qui, selon lui, « a dérivé en des pratiques qui heurtent la moralité républicaine et la dignité des fonctions législatives ». 

Coco-Jacques Mulongo pointe les « candidature[s] par procuration », cas de ceux qui postulent à la fois pour la présidentielle, les sénatoriales, les législatives et les provinciales, puis, une fois élu, ils passent un ou deux autres mandats qu’il aura obtenus à des proches préalablement désignés comme suppléants. Un phénomène qui ressemble à une sorte d’« OPA [offre publique d’achat] familiale sur les sièges à pourvoir », selon l’élu de Lubumbashi. Ce dernier dénonce aussi des cas de « suppléance de complaisance ou fantaisiste » lorsque le suppléant est choisi pour servir de « simple formalité pour faire valider » le dossier du candidat député.

Pour mettre fin à ce « népotisme », le député du Cach (majorité parlementaire) propose d’« interdire le choix du candidat suppléant parmi les membres de famille du candidat député ainsi que les candidatures multiples ». Ce qui rejoint par ailleurs la « proposition de loi Lokondo » qui explicite davantage la notion des membres de famille qui ne devraient plus être suppléants d’un candidat « sous peine d’annulation de l’élection ». Il s’agirait ainsi des « parents en ligne directe ou collatérale, ascendante ou descendante, jusqu’au deuxième degré inclus ».

« Proposition de loi Mulongo » face à la « proposition de loi Lokondo » 

Pour sa part, la proposition de loi de Coco-Jacques Mulongo s’étend davantage sur les modalités du choix des suppléants. Elle préconise par exemple que « pour les députés nationaux et provinciaux, sénateurs, conseillers urbains et municipaux élus sur la liste des partis ou des regroupements politiques, les suppléants [soient] désignés, après les élections, parmi les candidats non élus membres du même parti politique ou regroupement politique, suivant l’ordre du nombre des suffrages obtenus dans la même circonscription, à défaut dans une autre circonscription ».

Concernant les candidats indépendants, c’est-à-dire ceux qui se présentent sans étiquette d’un parti ou regroupement politique, le député UDPS propose de « désigner [leurs] suppléants parmi les personnes ayant déjà exercé les fonctions de membres du gouvernement provincial ou local, de député national ou provincial , de bourgmestre et de mandataire actif ou de mandataire actif des entreprises publiques, de haut magistrat ayant une expérience d’au moins dix ans, de secrétaire général ou haut cadre de l'administration publique ».

La proposition de loi de Coco-Jacques Mulongo s’arrête là. Elle ne se prononce donc pas sur les autres modifications et innovations reprises dans la première initiative portée par le G13. Aucun mot sur les idées suggérées par la « proposition de loi Lukondo » notamment de supprimer le seuil électoral, d’abandonner la proportionnelle, de distinction des inéligibilités définitives pour les crimes graves  des celles temporaires pour les autres infractions, de définir un régime légal exhaustif pour le vote électronique, de publier obligatoirement la cartographie électorale avant la publication du calendrier électoral, de publier les résultats bureau par bureau au niveau du centre de vote, d’instituer un système transparent de gestion des résultats et de prévoir la sanction contre le président de la Commission électorale nationale indépendante en cas de refus de publier les résultats bureau de vote par bureau de vote.

Même si la première semble englober d’une certaine manière la problématique soulevée par la seconde, ces deux propositions de loi sont désormais sur la table du bureau de l’Assemblée nationale. Que choisira-t-il de mettre en avant ?

 

Un jour de vote à Kinshasa. ©️ Flickr/Monusco/Myriam Asmani