Ce qu'il faut savoir

Budget 2022 : les trois leçons de la reddition des comptes du pouvoir central en RDC

13/10/2023

L’Assemblée nationale a adopté, ce jeudi 12 octobre tard dans la soirée, le projet de loi  portant reddition des comptes du budget de l’exercice 2022. Quels enseignements tirés de ce texte ?

Un solde déficitaire de plus d’un milliard de dollars américains. C’est ce qui se dégage de la différence entre les recettes réalisées et les dépenses exécutées dans le cadre du budget 2022 du pouvoir central. La loi de finances de cet exercice, votée en équilibre en recettes et en dépenses, était évaluée à 22 253 milliards de francs congolais, soit environ 10 milliards de dollars américains au taux budgétaire de 2085 francs congolais pour un dollar américain. À la clôture de l’exercice budgétaire, les recettes du pouvoir central ont atteint 26 160 milliards francs congolais, soit environ 12 milliards de dollars américains, ce qui représente un taux de réalisation de 117, 56 %. Les dépenses, elles, se sont élevées à 28 641 milliards de francs congolais, équivalant à plus de 13 milliards de dollars américains, avec un taux de réalisation de 128,71 %.

L’analyse minutieuse des opérations financières telles que reprises dans le projet de loi de reddition des comptes, le rapport de la Cour des comptes et le moult débat parlementaire ayant entouré l’adoption de ce texte, permet de tirer trois  enseignements. 

Faible maîtrise de la trajectoire des dépenses publiques   

L’explosion des dépenses constatée dans le cadre de l’exécution du budget 2022 peut être expliquée par un train de vie sans cesse croissant des institutions publiques et ministères. Ces derniers sont allés au-delà des fonds qui leur étaient alloués dans le budget, aussi bien pour les dépenses courantes que celles d’investissement. D’ailleurs, les premières ont été plus importantes que les secondes, pourtant porteuses de croissance économique.

La Cour des comptes révèle aussi plusieurs irrégularités telles que la non présentation de la situation des reports des crédits d’investissements de l’exercice 2021, le dépassement des crédits budgétaires au titre d’investissement et le paiement de certaines dépenses d’investissements sans ordonnancement préalable. L’augmentation des dépenses est aussi la résultante du non-respect, pour le paiement de certaines dépenses, de la procédure d’exécution des dépenses publiques telle que fixée par les règles en matière de gouvernance financière publique en RDC. 

La Cour des comptes note par exemple que  « plusieurs dépenses ont été payées grâce à des simples correspondances adressées à la gouverneure de la Banque centrale du Congo par le ministre des Finances en totale violation de la procédure d’urgence ». Cette juridiction relève que sur les 262 dossiers payés en 2022 au titre de la dette intérieure, 162 l’ont été en procédure dite d’urgence pour un montant d’environ 92 millions de dollars américains. Cette situation ne favorise pas un contrôle et un suivi régulier des opérations de dépenses effectuées par l’État. 

Dans la même logique, le paiement de certaines dépenses requiert des procédures particulières. Il en est ainsi de la dette publique en capital qui doit faire l’objet d’une certification préalable par la direction générale de la dette publique. La Cour des comptes a pu relever près de 21 créances non certifiées par la direction générale de la dette publique. Le Trésor public a déboursé environ 4,7 millions de dollars américains pour ces créances.

Efforts payants de mobilisation des recettes publiques ? 

En 2022, le gouvernement a pu mobiliser plus de recettes que ce qui était prévu dans ses prévisions. Ce taux de réalisation des recettes publiques, tel qu’indiqué ci-haut, révèle que les efforts de mobilisation déployés par le gouvernement portent leurs fruits.

Si les fruits de ces efforts sont palpables, de nombreux défis restent cependant à relever en raison de l’accroissement continue des dépenses et des besoins publics, nécessitant de plus en plus des moyens financiers, mais aussi en raison du potentiel économique de la RDC. 

Pour améliorer la capacité de mobilisation des recettes publiques, il est essentiel de tenir compte des faiblesses identifiées dans l’analyse et l’adoption du projet de budget de l’exercice 2022. Une première étape cruciale consiste à augmenter la pression fiscale, c’est-à-dire la capacité de l’État à collecter des impôts sur les revenus, les biens et la consommation des particuliers et des entreprises en vue de financer l’action publique. Actuellement, la pression fiscale se situe entre 10 et 12,3 %, ce qui demeure inférieur à la moyenne en Afrique subsaharienne (16 à 21 %). Par conséquent, la RDC collecte des recettes fiscales relativement faibles malgré son potentiel. Il est également nécessaire de réduire les exonérations fiscales, qui entraînent d’importantes pertes de recettes pour le Trésor public. 

Dans le même ordre d’idées, des mesures doivent être prises, au sein des ministères du Budget et des Finances, pour éliminer le retard observé dans les procédures administratives et comptables nécessaires à la perception de l’impôt sur le revenu des membres des institutions politiques. L’imposition effective des primes permanentes des membres des institutions politiques nationales et provinciales peut également contribuer à améliorer la mobilisation des recettes publiques. 

Enfin, promouvoir le civisme fiscale parmi les contribuables, en particulier ceux soumis à l’impôt sur les bénéfices et les profits des petites entreprises et mettre fin aux conflits de compétences entre les provinces et le gouvernement central en ce qui concerne la perception des taxes liées à l’exploitation des hôtels et des restaurants, entre autres, sont également des mesures à prendre pour améliorer la collecte des recettes publiques. 

Faible responsabilisation des gestionnaires et comptables publics

Plusieurs actes de gestion posés et retracés dans le cadre de la reddition des comptes de l’exercice 2022 sont constitutifs de faute de gestion et devraient entraîner la responsabilité financière de leurs auteurs. Mais, la mise en œuvre de cette responsabilité peine à se concrétiser.

Aussi, la Cour des comptes révèle que « le non dépôt des comptes de gestion des comptables publics principaux ne lui a pas permis de procéder à la déclaration générale de conformité exigée à l’article 147 de son texte fondateur ». Ce qui ne facilite pas sa mission de certification des comptes publics.  

L’analyse et l’adoption de la loi de reddition des comptes de l’exercice 2022 auront eu le mérite de dresser un bilan sur base duquel des enseignements précieux peuvent être tirés au profit des gouvernants et des gestionnaires publics appelés à rendre des comptes aux gouvernés. 

Jean-Baptiste Bagula

Photo : une plenière à l'Assemblée nationale. Copyrigth : @AssembleeN_RDC/Twitter