Ce qu'il faut savoir

« Congolité » : six choses qui pourraient changer

23/07/2021

Noël Tshiani, candidat malheureux à la présidentielle de 2018, a réussi à faire porter par le député Cerveau-Pitshou Nsingi Pululu son initiative visant la modification de la loi relative à la nationalité congolaise. Mais qu’est-ce que ce texte pourrait changer demain ?

1. Dix-sept articles concernés

Si la controverse autour de la proposition de loi modifiant la loi sur la nationalité se concentre autour de la problématique dite de la « congolité  » ou de « né de père et de mère congolais », le texte vise à modifier 17 articles suivants de la loi relative à la nationalité congolaise : 1, 4, 12, 19, 24, 26, 29, 30, 31, 35, 36, 39, 41, 42, 51, 52, 53.

Mais la plupart de ces changements ne visent qu’à adapter la législation en vigueur à l’évolution de l’ordonnancement juridique en RDC, en tenant compte par exemple de la nature de la décision présidentielle - ordonnance à la place du décret - et de l’éclatement de la Cour suprême de justice en trois juridictions (Cour constitutionnelle, Cour de cassation et Conseil d’État). 

Le texte souligne toutefois, dans son exposé des motifs, que l’objectif de toutes ces modifications est double :

  • « l’insertion du principe d’irrévocabilité de la nationalité congolaise d’origine, parce que nous sommes nés congolais, nous vivons congolais, nous mourons congolais et nous serons enterrés congolais ;
  • le verrouillage de l’exercice des hautes fonctions qu’aux seuls Congolais nés de père et de mère congolais ».

2. Une nationalité congolaise d’origine irrévocable

Adieu l’exclusivité de la nationalité congolaise ! Si la proposition de loi est adoptée, c’est le principe d’irrévocabilité de la nationalité congolaise d’origine qui prendrait le dessus. 

Concrètement, un Congolais d’origine,  c’est-à-dire né « de père et/ou de mère congolais », ne pourra plus perdre sa nationalité s’il acquiert une autre, sauf « si elle le déclare expressément [sic] ».

3. Exclusion à certaines fonctions publiques étendue aux Congolais d’origine

Contrairement à la législation en vigueur qui prévoit la possibilité d’« exclure de l’exercice de certaines fonctions publiques les personnes bénéficiaires de la nationalité congolaise d’acquisition » par des « lois particulières », la proposition de loi voudrait « [ne réserver] qu’aux seuls Congolais nés de père et de mère d’origine congolaise et n’ayant jamais acquis une autre nationalité » l’exercice de près 50 fonctions publiques.

Il s’agit entre autres de fonctions du président de la République de la République, du président de l’Assemblée nationale, du président du Sénat, du Premier ministre, du ministre de la Défense, du ministre des Finances, du ministre de l’Intérieur, du ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration régionale, du ministre de la Justice, du président de la Cour constitutionnelle, du procureur général près la Cour constitutionnelle, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près la Cour de cassation, du premier président du Conseil d’État, du procureur général près le Conseil d’État, de l’administrateur de l’Agence nationale de renseignement (ANR) et de son adjoint, du directeur général de la Direction général de migration (DGM), de tous les membres du haut commandement militaire, des commissaires généraux de la Police nationale congolaise, des gouverneurs de province.

4. L’entrée en jeu du bureau de l’Assemblée nationale

Si l’avis préalable de la plénière de l’Assemblée nationale est actuellement préalable à toute décision de naturalisation et de déchéance délibérée en conseil des ministres, la proposition de loi voudrait qu’en cas de vacances parlementaires, le bureau de la chambre basse soit habilité à donner cet avis.

5. Le temps réduit d'acquisition de la nationalité pour l’étranger, pas pour l’apatride

Aux termes de loi sur la nationalité en vigueur, l’étranger ou l’apatride qui contracte le mariage avec un conjoint congolais peut acquérir la nationalité congolaise « après un délai de 7 ans à compter du mariage », à la double condition suivante : qu’il n’y ait pas eu divorce à la date du dépôt de la demande de naturalisation et que le conjoint congolais ait conservé sa nationalité.

Avec la proposition de loi, ce délai passe de cinq ans pour l’étranger et reste à sept pour l’apatride.

6. Un article abrogé et la fin du moratoire

Conséquence de sa volonté de consacrer l’irrévocabilité de la nationalité congolaise d’origine, la proposition de loi supprime l’article 51 de la loi en vigueur. Celle-ci dispose que « tout Congolais qui, à l’entrée en vigueur de la présente loi [loi de 2004], possède à la fois la nationalité congolaise et celle d’un État étranger doit se déclarer et opter pour l’une de ces deux nationalités ». 

L’alinéa 2 de cette disposition accorde, en cas de l’option de la nationalité congolaise, un délai de trois mois pour enclencher la procédure relative à la déclaration de la nationalité congolaise.

Photo :  passeport congolais. Copyrigth : Trésor Kibangula/GEC