Ce qu'il faut savoir

Rapport sur l’état de siège en RDC : ce qui préoccupe les députés

05/11/2021

Le 29 septembre, l’Assemblée nationale a adopté, à huis clos, le rapport de la commission défense et sécurité sur l’évaluation de l’état de siège. Que nous apprend ce document sur les préoccupations soulevées par des députés ?  

C’est un document de 48 pages qui revient sur les auditions de cinq membres du gouvernement devant la commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale, trois mois après l’instauration de l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri. Ont ainsi été entendus, du 5 au 26 août, Gilbert Kabanda, ministre de la défense, Rose Mutombo, ministre de la Justice, Jean-Claude Molipe, vice-ministre de l’Intérieur, Nicolas Kazadi, ministre des Finances et Aimé Boji, ministre du Budget.

En face des députés, essentiellement membres de la commission défense et sécurité présidée par Bertin Mubonzi. L’essentiel de leurs préoccupations a porté sur les questions autour  du système de sécurité et de défense, de la justice et de la gestion des finances publiques allouées à l’état de siège.

Manque de coordination et défaillance 

Lors des auditions, Gilbert Kabanda, ministre de la Défense, a reconnu que  l’état de siège a été proclamé dans un « contexte difficile, sans un soubassement quelconque de chronogramme et moins encore sans un montage financier conséquent à même de couvrir les besoins opérationnels sur terrain ». Cela se traduit notamment par un déficit de synergie et de coordination entre les ministères et les services publics concernés par la mise en œuvre de l’état de siège, selon la commission défense et sécurité. « Chacun semblait évoluer indépendamment les uns des autres », peut-on lire dans son rapport. 

Le document pointe une autre défaillance : des députés provinciaux et des communautés locales ne sont pas consultés par les gouverneurs militaires qui « se [privent] ainsi des conseils avisés et des informations de ces hommes de terrain ». Et ce n’est pas tout : d’autres dysfonctionnements ont été relevés, notamment le manque des équipements nécessaires, la non maîtrise des effectifs des éléments engagés dans les opérations sur terrain, l'infiltration des FARDC par l’ennemi par la complicité interne, conduisant à la vente des munitions et uniformes de l’armée à certains groupes armés, l’attentisme des administrateurs militaires de territoire dans la perquisition des présumées caches d’armes et leurs implications dans les conflits ethniques, la présence des militaires dans les sites miniers et fermes privées.

Justice militaire et abus 

État de siège oblige, le traitement des toutes les matières répressives a été confié à la justice militaire. Mais des magistrats des juridictions militaires opérationnelles dans les deux provinces concernées commettent plusieurs abus, rapporte la commission défense et sécurité.  Extorsions, corruption et concussion sont signalés dans plusieurs dossiers. 

Les députés voudraient alors qu’une solution soit apportée aux problématiques des audiences foraines et des infrastructures de cours et tribunaux. Ils souhaitent également que les  compétences entre les juridictions civiles et militaires soient précisées et que la justice soit rapprochée des justiciables à travers l’installation des juridictions civiles et militaires dans certains territoires.. Entre-temps, les députés voudraient que les statistiques de détenus et le nombre d’éléments des groupes armées capturés soient publiés.  

Gestion financière entre opacité et irrégularités

L’absence de planification cohérente de l’état de siège serait à la base des nombreux problèmes d’ordre financier rencontrés sur terrain. Les députés fustigent la modicité des ressources financières allouées à la mise en œuvre de l’état de siège dans les deux provinces et la manière peu orthodoxe de gestion de ces fonds, en violation de la loi relative aux finances publiques. 

Pour la commission défense et sécurité, un affairisme se serait même développé derrière cet état de siège.  Les députés pointent, entre autres,  des engagements des fonds en procédure d’urgence, des marchés publics opaques et, surtout l’utilisation de plus ou moins 68 % des fonds alloués à l’état de siège à Kinshasa alors que les soldes et primes ne parviennent pas régulièrement aux militaires déployés au front. Des problèmes qui seraient liés à l’absence d’un mécanisme de contrôle et suivi de l'état de siège, selon la commission défense et sécurité

Malgré l’appel à réfléchir sur un plan de sortie de l’état de siège dans ce rapport accablant de la commission défense et sécurité, la mesure exceptionnelle a été prorogée, le 1er novembre, par l’Assemblée nationale pour la 11ème fois consécutive.

 

Photo : une plenière à l'Assemblée nationale en RDC. @AssembleeN_RDC/Twitter