Travail parlementaire

Exclusif - Réforme de la loi électorale : ce que contient le rapport de la commission PAJ

02/06/2022

Avec plus de six jours de retard, la commission politique, administrative et juridique de l’Assemblée nationale a déposé, le mercredi 31 mai, son rapport sur la proposition de loi modifiant la loi électorale. Que contient ce document ? Décryptage. 

Mise à jour le 2 juin 2022 à 17 heures - C’est un document de 19 pages qui reste dans la droite ligne des options levées par la plénière de l’Assemblée nationale. Déposé au bureau de la chambre basse du Parlement congolais ce 31 mai, le rapport de la commission politique, administrative et juridique (PAJ), que Talatala a pu consulter, apporte néanmoins quelques ajustements à la proposition de loi modifiant la loi électorale initiée par les députés membres du G13.

La mission de procéder à l’examen approfondi de cette initiative législative lui a été accordée depuis le 12 mai par la plénière. Ce jour-là, la majorité parlementaire a d’abord pris le soin de lever les options sur les 18 modifications majeures concernées par cette nouvelle réforme électorale, en ne retenant que neuf changements, souvent moyennant réécriture.

64 articles examinés

À son tour, la commission PAJ, présidée par le député Mulumba Kanza Augustin (Cach, majorité), a examiné de fond en comble les 64 articles visés par la modification de la loi électorale. Les dispositions qu’elle a amendées et maintenues sont reprises dans une nouvelle proposition de loi électorale en annexe de son rapport. C’est sur base de ce nouveau texte que le vote article par article sera effectué à l’Assemblée nationale. 

Concrètement, la commission PAJ n’a retenu textuellement que deux sur 64 articles soumis à modification par le G13. Quarante-et-un autres ont été rejetés et 26 adoptés moyennant amendements. Et elle a également ajouté une nouvelle disposition : l’article 3 bis fixant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi électorale à la date de sa promulgation. La commission PAJ a aussi amendé l’article 74 non visé par la proposition du G13 afin d’y ajouter le Conseil d’État parmi les juridictions appelées à proclamer les résultats définitifs des élections et limiter impérativement les délais des contentieux des résultats. 

Mais, elle a sans doute oublié, dans le même esprit, d’amender l’article 146 de la loi électorale en vigueur qui fixe le nombre des députés provinciaux d’une circonscription en fonction du nombre d’habitants alors que celui des députés nationaux est déterminé en fonction du nombre des électeurs. 

Qu’à cela ne tienne, le nouveau texte retient donc la proposition du G13 telle quelle consistant à interdire à une autorité publique d’accéder aux bureaux des opérations électorales et d’intimer de l’ordre aux agents électoraux, électeurs, témoins et observateurs. En revanche, la commission PAJ semble avoir remis en question l’option levée par la plénière de supprimer le seuil de représentativité. D’autant que, à ce sujet, elle réaffirme la formulation de certaines dispositions de la loi en vigueur (articles 118, 144 et 193) qui consacrent ce dispositif. Celui-ci serait-il en voie d'être retenu implicitement ? Ainsi, au seuil de représentativité s’ajoutera désormais le seuil de recevabilité de listes, proposition du G13, maintenue par la commission PAJ à l’article 22 de la loi sous examen. 

Sans équivoque, les dispositions touchant aux options rejetées par la plénière n’ont pas non plus été retenues par la commission PAJ. Il s’agit notamment de l’instauration du scrutin majoritaire, de l’interdiction de la suppléance familiale, du parrainage pour les élections de gouverneurs et des sénateurs, de l’interdiction de distribuer les biens durant la campagne, de l’obligation de publier la cartographie électorale avant le calendrier électoral. 

Des dispositions rejetées sous couvert d’amendements

Parmi les 26 dispositions amendées par la commission PAJ, certaines sont vidées de leur substance. C’est le cas par exemple de la proposition d’exiger aux regroupements politiques l’obtention d’une personnalité juridique. Ici, la commission PAJ a préféré garder le statu quo, en maintenant uniquement, pour les regroupements politiques, l’obligation de tenir informés la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et le ministère de l’Intérieur de leur création au motif qu’il s’agit des associations temporaires pouvant changer à chaque niveau d’élection. La commission PAJ demeure ainsi dans l’esprit de la loi du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques. 

De même, la proposition d’accorder une accréditation de plein droit aux observateurs sept jours après l’introduction de la demande a été rejetée. La commission PAJ estime que l’accréditation de plein droit pourrait constituer un motif de désordre et de trouble pendant le déroulement des élections. Il y a à craindre qu’une telle option ne porte en elle les germes d’une restriction de l’observation électorale. Cette inquiétude reste fondée dès lors que la commission PAJ n’a pas non plus hésité de supprimer l’incise qui prévoyait également la remise d’une copie de procès-verbal des opérations de vote aux observateurs. 

Autre amendement qui ressemble au rejet de la proposition initiale : le remplacement de la publication partielle des résultats par l’affichage de ces derniers, jugé terme « approprié » par la commission PAJ.   

Ces dispositions sont rejetées pour la plupart soit parce que considérées comme n’étant pas mieux formulées que celles de la loi en vigueur, soit pour les raisons évoquées lors de la séance de la levée des options, ou encore parce qu’elles seraient une option non voulue par le législateur. 

Ce dernier argument est évoqué notamment pour les contentieux en matière de candidatures dont les décisions ne sont susceptibles de recours. Pour la commission PAJ, cela ne serait donc pas  pertinent, le législateur demeurant souverain de revoir une loi ordinaire qui est son œuvre. Il ne s’agit pourtant pas ici d’une disposition constitutionnelle, encore moins d’un article intangible de la Constitution. La commission PAJ semble donc ne pas tenir compte  du récent arrêt de la Cour constitutionnelle dans lequel cette juridiction a tranché : « Le fait pour le constituant de laisser au législateur le pouvoir de fixer les conditions d’exercice du droit de recours se justifie par le fait que le législateur doit apprécier, au regard de l’esprit qui doit animer chaque  loi, en fonction de la spécialité et de l’objectif spécifique inhérent à chaque espèce légales, les types de recours à organiser  et les conditions de leur exercice ». 

Incitation à la représentation des femmes 

Par ailleurs, la commission PAJ ne conditionne pas la recevabilité des listes à la présence des femmes. Elle ajoute simplement un alinéa qui incite les partis politiques à promouvoir la représentation des femmes. Cette nouvelle disposition prévoit en effet que « la liste qui aligne 50 % de femmes dans une circonscription est exemptée du paiement de la caution ». 

Il s’agit d’une disposition incitative dont l’effet demeure toutefois soumis à la capacité financière des partis. Les formations politiques  disposant de plus de moyens financiers conséquents pourront toujours se passer de cette disposition. Ce qui relativise la portée de cette avancée. À l’instar d’une disposition similaire déjà consacrée par l’article 33 de la loi du 1e août 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité qui exclue du financement public tout parti politique dont la liste électorale ne tient pas compte de la dimension genre.

 

Photo : les députés lors d'une plenière à l'Assemblée nationale.@AssembleeN_RDC /Twitter