Politique

Cinq choses à savoir sur le calendrier du processus électoral 2021-2027 en RDC

08/12/2022

Très attendu par des nombreux acteurs sociaux et politiques congolais mais aussi par les partenaires techniques et financiers, le calendrier du processus électoral a été finalement publié fin novembre 2022. Que retenir de ce document ? 

 

1. Un calendrier électoral qui ne s’écarte pas des délais constitutionnels

C’est désormais chose faite depuis le 26 novembre. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a dévoilé le calendrier du processus électoral 2022-2027. Correspondant au mandat de nouveaux animateurs de la Ceni, ce document ne s’écarte pas des délais constitutionnels pour l’organisation des élections. Il les fixe entre juin et décembre 2023. 

Conformément à l’article 73 de la Constitution du pays, ce calendrier électoral prévoit la convocation de l’électorat pour l’élection présidentielle au 1er septembre 2023.  Le scrutin présidentiel est fixé au 20 décembre 2023, en même temps que les autres élections directes. 

Ce calendrier projette également, pour la première fois, l’organisation des élections locales, en même temps que les autres scrutins habituels.  Cela rencontre les engagements souscrits par le gouvernement Sama Lukonde dans son programme d’actions.

Par ailleurs, le vote des Congolais de l’étranger tel que promis par le président de la République est maintenu, mais uniquement pour ceux vivant en Afrique du Sud, en Belgique, au Canada, aux États-Unis d’Amérique et en France. Cependant, la possibilité pour eux de se voir octroyer des sièges à l’Assemblée nationale demeure sous examen.

2. Des délais très serrés

Le calendrier électoral publié par la Ceni est une véritable course contre la montre. Lorsqu’on le déroule, on se rend compte que plusieurs activités sont programmées  en un temps extrêmement réduit. C’est le cas par exemple de l’identification et l'enrôlement des électeurs. Cette opération se déroule durant trois mois, à raison de 30 jours pour chacune de trois aires opérationnelles. 

Comparativement aux processus électoraux passés où ces opérations avaient duré entre 90 et 120 jours, ce délai de 30 jours paraît très court. Il risque d'être prolongé en pleine opération ou de ne pas permettre à tous les citoyens de se faire enrôler comme électeurs. Ce qui pourrait engendrer un problème d'inclusivité. 

L’audit externe du fichier électoral ne doit, lui, s’étendre que sur six jours, contre environ 20 jours lors des cycles électoraux précédents. Dès le lendemain de sa clôture, la Ceni indique qu’elle publiera les statistiques des électeurs par circonscription électorale.  Impossible dans ce cas d’avoir le temps de prendre en compte les recommandations à court terme de cet audit. Ce qui laisse croire que ce dernier ne serait qu’une simple formalité. La crédibilité du fichier électoral risque d’en pâtir.

3. Des aspects non pris en compte

Contrairement au précédent calendrier électoral du processus électoral, l’actuel ne précise pas les dates critiques pour la publication et la mise à la disposition de la Ceni des listes actualisées des partis politiques et des regroupements politiques autorisées à fonctionner. Aucune date critique n’est indiquée non plus pour la mise à la disposition de la Ceni de la liste actualisée des autorités coutumières en vue des préparatifs de la cooptation. 

Pourtant, avec la prolifération des partis politiques à laquelle l’on assiste à la veille des élections et aux conflits de pouvoir dans les entités coutumières, il est important que les dates de remise de ces listes soient  préalablement fixées au-delà des indications légales afin de permettre au ministère de l’Intérieur de les produire à temps.

4. Un calendrier électoral en marge de la loi électorale ?

Si les délais de ce calendrier sont restés largement dans le respect des délais prescrits par la Constitution, cela ne semble pas être le cas pour la tenue des scrutins.  Les scrutins directs, présidentiel, législatifs, provinciaux et locaux sont prévus le mercredi 20 décembre 2023. L’article 52 de la loi électorale stipule pourtant  : « Le vote, pour le scrutin direct, se tient le dimanche ou un jour férié. »  Or, le 20 décembre 2023 n’est pas un dimanche et ne figure pas non plus parmi les jours fériés en RDC, en vertu de l’ordonnance de 2014 fixant la liste des jours fériés légaux dans le pays. 

Pour corriger cette entorse, la Ceni indique avoir saisi le ministère du Travail, Emploi et Prévoyance sociale en vue de déclarer le 20 décembre 2023 jour férié, chômé et payé sur toute l’étendue du territoire national.

5. Des contraintes en moins

Contrairement à la feuille de route qui énumérait huit contraintes, le calendrier électoral n’en retient désormais que cinq. La mutualisation des opérations d’identification et d'enrôlement des électeurs et le recensement général de la population, par exemple, n’en fait plus partie . Au contraire, ce calendrier prévoit désormais, entre le 1er mars 2024 et le 28 février 2026, les travaux d’harmonisation du fichier électoral avec le fichier général de la population, l’analyse des statistiques et les projections de nombre des électeurs en 2028. La volonté politique aussi ne figure pas dans les contraintes de ce calendrier électoral. Il en est de même du « temps limité pour la préparation et l’organisation des opérations électorales ».

Par ailleurs, la contrainte sécuritaire constitue toujours un défi important, notamment à cause de la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23) en novembre 2021 et l’occupation par ce groupe armé de certaines entités dans le territoire de Rutshuru, dans le Nord-Kivu.  

Les défis logistiques demeurent importants au regard de l’« inexistence des infrastructures de transport de base », rappelle la Ceni qui, confrontée à l’impératif de temps, dit privilégier le « transport aérien pour acheminer le matériel de pays de production aux hubs de réception et aux sites des opérations en RDC ». Cela aura certainement une « incidence budgétaire importante », prévient la Ceni, même si elle continue à « garder secret » le budget global des élections.  

Du point de vue financier, la centrale électorale redoute le retard dans le financement des opérations électorales. Et elle plaide par ailleurs pour la reconnaissance de son autonomie financière. 

Sur le plan légal, l'adoption dans le délai par le Parlement du projet de loi sur la répartition des sièges et sa promulgation par le président de la République devra être la priorité de l’agenda parlementaire de la session de mars 2023. D’autant plus que le calendrier électoral ne prévoit que 10 jours pour l’examen et l’adoption de ce texte. Un délai également très court.

Le calendrier soulève enfin les contraintes d’ordre sanitaire, en faisant référence à la pandémie de Covid-19 et les autres épidémies, comme l’Ebola, dont la résurgence  risque d'« affecter la nature du matériel à commander, les délais de production, de livraison et de déploiement ou d’imposer la modification des procédures opérationnelles », comme le relevait la feuille de route de la Ceni.

Rappelons toutefois que ces contraintes ne sont pas  nouvelles. Elles avaient donc déjà été décrites dans la feuille de route, voire  lors du cycle passé. Elles ont d’ailleurs été à la base du glissement du calendrier électoral, avalisé par la Cour constitutionnelle en 2016.

Ithiel Batumike Mihigo

Photo : une femme vote lors de l’élection présidentielle en 2011. © Monusco