À l'Assemblée nationale

Suppléants des ministres un jour, suppléants pour toujours

31/01/2024

Alors que 22 députés ont été nommés ministres dans les gouvernements Sama 1 et 2, tous ont décidé d’aller reconquérir leurs sièges à l’Assemblée nationale lors des élections législatives organisées le 20 décembre dernier. Avec ou sans les suppléants qui les avaient remplacés à l’hémicycle ? Décryptage dans cet épisode 3 de la série Balobeli Ya Lobi

Selon la Constitution, un député national est élu avec deux suppléants. La loi électorale précise que le suppléant « remplace le député selon l’ordre établi, en cas de décès, de démission, d’empêchement définitif, de condamnation pénale définitive ou d’incompatibilité (…) ». Une des raisons d’ailleurs pour laquelle la suppléance familiale a la peau dure sur la scène politique congolaise. Plus de 10 ministres s’étaient retrouvés dans ce cas de figure, en alignant au moins un membre de leur famille comme suppléant de leur candidature aux législatives.

Dans le gouvernement Sama Lukonde, 22 ministres, déjà élus députés nationaux à l’issue des élections de 2018, ont de nouveau postulé. Parmi eux, Mireille Masangu, ministre du Genre, qui s’est présentée pour la première fois en tant que titulaire après avoir été suppléante de son défunt mari Gabriel Kyungu. 

Suppléants toujours

Comment ces 22 ministres candidats se sont-ils  alors organisés avec leurs suppléants lors  des dernières législatives ?  Huit ont gardé leurs anciens premiers suppléants qui les avaient remplacés à l’Assemblée nationale. C’est la voie suivie par exemple par deux vice-Premiers ministres, Jean-Pierre Lihau (Fonction publique) et Christophe Lutundula (Affaires étrangères), ainsi que du porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya (Communication et Médias).

 

Sur ces huit ministres candidats, sept ont été proclamés élus provisoirement par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et une (Antoinette Kipulu) a vu les suffrages de sa circonscription être annulés en raison de plusieurs irrégularités, selon le rapport de la Ceni. 

Suppléants un jour, suppléants pas toujours 

En revanche, quatre suppléants des ministres ont disputé les sièges avec leurs désormais anciens titulaires dans les mêmes circonscriptions électorales, changeant stratégiquement d’appartenance des regroupements politiques. C’est le cas notamment à la Tshopo avec Ève Bazaiba, ministre de l’Environnement, et Scolastique Muhindo.

 

 

 

Au regard de ce qui précède, il est important de noter que selon les résultats provisoires publiés par la Ceni, cette stratégie n’a pas fonctionné : aucun de ces suppléants candidats n’a été proclamé élu. 

Autre cas de figure : deux ministres candidats ont décidé d’abandonner leurs circonscriptions antérieures pour aller postuler ailleurs. Molendo Sakombi, ministre des Affaires foncières, a quitté  Lukunga, à Kinshasa, où il a été élu en 2018 pour la ville de  Lisala, dans la province de la Mongala. Résultat ?  Proclamé provisoirement réélu. Mais, Bertin Mubonzi, son ancien premier suppléant devenu député puis président de la commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale, qui est allé briguer un siège à Bukavu, a échoué. Contrairement à Remyxon Mumbere, ancien suppléant de Mohindo Nzangi, ministre de l'Enseignement supérieur et universitaire, qui s’est présenté à Butembo, leur circonscription de la législature passée, alors que le titulaire s’est déplacé à Goma. Tous les deux ont été proclamés élus. 

À l’inverse de Nzangi et de Mumbere, trois ministres candidats sont restés dans leurs circonscriptions électorales initiales, mais leurs anciens suppléants ont été envoyés  ailleurs, tout en restant dans les mêmes regroupements politiques.

 

 

Résultat mitigé pour ce procédé pour les anciens suppléants, puisqu’aucun n’a pu obtenir un siège.  D’ailleurs, dans cette configuration, un seul candidat a été déclaré élu : le ministre Jean-Lucien Bussa. 

Par ailleurs, quatre ministres candidats ont décidé carrément de se séparer de leurs anciens suppléants et ces derniers ne sont pas présentés pour tenter de briguer un siège à l’Assemblée nationale en tant que titulaire. C’est le cas de Pauline Kompany, suppléante de Godard Motemona (vice-ministre des mines), Bonga Guillaume, suppléant Vital Kamerhe (vice-Premier ministre en charge de l’Économie), Joseph Alipanzanga, suppléant d’Aminata Namasia (vice-ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique) et Willy Lukusa, suppléant de José Mpanda (ministre de l’Agriculture).

 

Damien Kapay

Photo : Eric Tshikuma, député national et Patrick Muyaya, ministre de la Communication et Medias, lors de la rentrée parlementaire de mars 2022. Copyright : DR