Travail parlementaire

Retour sur le travail parlementaire de la session de septembre 2021 en 5 points

17/03/2022

Au moment où s'ouvre la session ordinaire de mars 2022 à l’Assemblée nationale, Talatala fait le point sur le travail parlementaire lors de la session précédente. Voici ce qu’ont fait nos députés.

Essentiellement budgétaire, la session ordinaire de septembre 2021 aura été hautement politique. De l’annonce de pétition contre Christophe Mboso, président de l’Assemblée nationale, à la distribution des jeeps Palissade aux députés, en passant par la motion de défiance contre Augustin Kibasa, ministre des Postes, télécommunications et nouvelles technologies de l’information et de la communication (PT-NTIC), et l’entérinement controversé des membres de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). 

L’on semble avoir assisté à un riche exercice de différents moyens de contrôle parlementaire prévus par la Constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Pour autant, le calendrier de la session parlementaire aussi ambitieux qu’il soit n’a pas été exécuté dans les proportions satisfaisantes.

1. Un projet de budget examiné hors-délai 

Tout démarre pourtant sur de bonnes bases. Le 15 septembre, Jean-Michel Sama Lukonde, Premier ministre, dépose le projet de budget 2022 au bureau de l’Assemblée nationale. C’est la première fois dans l’histoire politique récente de la RDC que ce texte est déposé dans le délai constitutionnel.

Ce dépôt intervenu à l’ouverture de la session n’aura pas incité à prioriser l’examen du projet de loi des finances de l’année à venir. D’autant que le document est finalement vite oublié dans le tiroir du bureau de l’Assemblée nationale. À ce moment-là, les priorités semblent ailleurs, notamment sur le terrain du processus électoral avec l’entérinement controversé des membres de la Ceni. Quarante jours s’écoulent ainsi sans que le projet de budget ne soit soumis à la délibération. 

Or, selon  la loi relative aux finances publiques, « si le projet de loi de finances de l’année déposé dans le délai constitutionnel n’est pas voté dans les 40 jours suivant l’ouverture de la session budgétaire, ledit projet est transmis au Sénat pour être adopté dans les 20 jours ». Mais retard ou pas, l’Assemblée nationale se passe de cette disposition légale et démarre l’examen de projet de budget, qu’elle déclare recevable le 18 novembre 2021. Initialement de l’ordre de plus de 20 mille milliards de francs congolais, ce projet a été réévalué à plus de 22 mille milliards de francs congolais par les députés,  intégrant désormais le programme gouvernemental de développement en faveur des 145 territoires.

2. Des réformes électorales toujours en veilleuse

En 2020, un large consensus semblait se dégager autour des réformes électorales préalables à toute restructuration de la Ceni. D’ailleurs, après l’échec de la première tentative de mise en place de nouveaux animateurs de la commission électorale, l'Église catholique reconnaitra que c’était une erreur de s’engager dans le processus de désignation de ceux-ci sans avoir procédé à des réformes électorales. Celles-ci vont au-delà de la loi organique de la Ceni et touchent essentiellement certaines dispositions de la Constitution et de la loi électorale. Cependant, une fois la loi organique de la Ceni adoptée, les autres réformes devenaient de moins en moins prioritaires. Christophe Mboso, président de l’Assemblée nationale avait pourtant décrété la session de mars 2021 comme étant celle de réformes

À la clôture de la session de septembre 2021, aucun des textes relatifs aux élections prévus dans le calendrier n’a donc été examiné. Entretemps, deux autres propositions de loi modifiant et complétant la loi électorale ont été déposées. L’une s’attaque à la suppléance en lien avec la parenté, l’autre suggère des modifications sur les conditions d’éligibilité aux élections présidentielle, législatives et sénatoriales. L’on compte désormais trois propositions de modification de la loi électorale. Une situation qui risque d’appeler à un arbitrage du bureau de l’Assemblée nationale.

3. Une Ceni controversée mais entérinée

Les députés ont parachevé le long et controversé processus de désignation des membres de la Ceni enclenché la veille de la clôture de la session de mars 2021. Bien que boycotté par la coalition Lamuka, aile fidèle à Martin Fayulu, mais aussi par le Front commun pour le Congo (FCC) de l’ancien président Joseph Kabila, ce processus a tout de même conduit à la mise en place, en deux temps, des nouveaux membres de la Ceni.

Pour autant, l’Assemblée nationale aura été agitée au cours de ces différentes séances d’entérinement, l’opposition martelant que le processus n’était pas régulier encore moins conforme à la loi. La commission spéciale ayant siégé pour l’examen des candidatures des délégués de composantes n’était pas non plus paritaire entre la majorité et l’opposition, cette dernière ayant décidé de ne pas siéger pour dénoncer des actes de corruption et d’intimidations sur les chefs religieux appelés à désigner le futur président de la Ceni. Et le fait que la présidence de cette commission soit confiée à André Mbata, alors que ce dernier est déjà président d’une commission permanente de l’Assemblée nationale, énervait les dispositions du règlement intérieur de la chambre basse.

4. Une session marquant le retour du contrôle parlementaire ?

« Gelé » lors de la session ordinaire de mars 2021, le contrôle a fait son retour. Talatala a documenté 28 moyens d’information et de contrôle exercés individuellement par des députés, abstraction faite aux auditions en commission. Une question orale avec débat déposée lors de la session de mars 2021 a fait l’objet d’un examen en septembre. Elle concernait la taxe controversée RAM.

Quinze membres du gouvernement ont été concernés par ces moyens d’information et de contrôle. Mais seulement cinq ministres ont été entendus en plénière. Il s’agit d’Eustache Muhanzi, ministre de l’Entrepreneuriat, au sujet de l’application des règles de la sous-traitance au secteur privé; Augustin Kibassa, ministre des Postes, télécommunications et nouvelles technologies de l'information et de la communication, concernant la taxe controversée RAM; Daniel Aselo, vice-Premier ministre, ministre de l'Intérieur,  auditionné sur la situation au Sankuru; Muhindo Nzangi, ministre de l'Enseignement supérieur et Universitaire, sur la mesure fixant le pourcentage requis pour l’admission en faculté de médecine; Tony Mwaba, ministre de l’Enseignement primaire, sur l'amélioration des conditions des vies des enseignants. 

Pour la première fois depuis le début de la législature en cours, une motion de défiance a été déposée. Initiée par Jean-Marie Bulambo Kilosho, élu de Bukavu, cette démarche a recueilli au moins 100 signatures des députés, principalement du FCC. Mais l’initiative a finalement été rejetée, avant l’expiration du délai de son examen, à la suite d’une motion incidentielle  introduite par Jean-Pierre Kayembe. Il visait Augustin Kibassa, ministre des Postes, télécommunications et nouvelles technologies de l'information et de la communication, concernant la taxe controversée RAM. 

L’Assemblée nationale a également dépêché des commissions d’enquête parlementaire et auditionné en commission certains membres du gouvernement. C’est le cas par de la commission d’enquête parlementaire déployée dans le territoire de Mwenga au sujet de l’exploitation illégale des minerais. Les auditions en commissions ont, quant à elles, concerné les ministres ci-après : Jean-Pierre Lihau (Fonction publique), Christophe Lutundula (Affaires étrangères), Alexis Gisaro (Infrastructures et travaux publics), Aimé Boji (Budget), Tony Mwaba (Enseignement primaire, secondaire et technique), Jean-Jacques Mbungani (Santé publique), Irène Esambo (ministre déléguée aux Affaires sociales et actions humanitaires chargé des personnes vivant avec handicap et autres personnes vulnérables). Un mandataire public, Olivier Mushiete, directeur général intérimaire de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) a été entendu. Aussi le rapport des auditions des membres du gouvernement dans le cadre de l’évaluation de siège a-t-il également été débattu et adopté à l’Assemblée nationale au cours de la session de septembre.

5. Une production législative au service de la prorogation de l’état de siège ?

Du côté de la production législative, la matière retenue sur le calendrier de la session était abondante : 22 nouvelles initiatives dont 10 projets de lois et 12 propositions de lois en plus de 27 arriérés législatifs.  À l’arrivée, le 24 décembre, seules quatre de ces initiatives ont été soumises au débat sans qu’elles ne soient adoptées. Il s’agit, d’une part, de quatre propositions de loi relatives au régime pénitentiaire, à la création de l'ordre des sages-femmes en RDC et à l’organisation des tribunaux de commerce, et, d’autre part, du projet de loi relatif à l'aménagement du territoire.  Seule la proposition de loi relative au régime spécial de la sécurité sociale des agents a été adoptée.   

Parallèlement à cette léthargie législative, le projet de loi autorisant la ratification par la RDC du Protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de personnes handicapées en Afrique et de trois autres projets de loi relatifs aux finances (loi des finances de l’année pour l'exercice 2022, loi de reddition des comptes 2020 et loi des finances rectificatives 2021) ont été adoptés. 

Toutefois, la session de septembre aura été largement dominée par les prorogations consécutives de l’état de siège.  Au total, sept projets de loi portant prorogation de l’état de siège ont été adoptés au cours de cette session, malgré l’opposition de quelques députés à la prolongation systématique de cette mesure exceptionnelle décrétée depuis mai 2021. 

À l’inverse, aucune priorité n’a été accordée à d’autres initiatives législatives relatives à ce domaine. Les projets de loi relatifs aux modalités d’application de l’état d’urgence et de l’état de siège et celui se rapportant à la programmation militaire ainsi que la proposition de loi relative au service militaire obligatoire d’un an n’ont pas été examinés en plénière. Et, contrairement à la session précédente, les députés ont accepté d’adopter le projet de la loi d'habilitation du gouvernement en vue de permettre à l’exécutif, entre autres, de proroger l’état de siège pendant les vacances parlementaires.

En clair et en dépit de l’existence d’un calendrier garni d’au moins 49 matières législatives et 10 matières non législatives, la production de l’Assemblée nationale au cours de cette session aura ainsi été faible. Seuls les projets de loi relatifs à la prorogation de l’état de siège et aux finances publiques ont été adoptés.


Photo : la députée Geneviève Inagosi, lors d'une plenière à l'Assemblée nationale en RDC. @AssembleeN_RDC/Twitter