Session de septembre 2025 : un calendrier ambitieux, mais des priorités discutables
Avec 52 matières inscrites, l’Assemblée nationale affiche un calendrier costaud pour la session budgétaire de septembre 2025, mais oublie l’élection de son président. Trop ambitieux ou trop calculé ? Éclairage.
Il aura fallu 18 jours après l’ouverture de la session, le 15 septembre, pour que l’Assemblée nationale adopte enfin, le jeudi 2 octobre, le calendrier des travaux. Un démarrage tardif pour une session annoncée prioritairement budgétaire, mais dont les 52 matières non législatives et législatives inscrites pour la session interrogent sur l’ambition réelle.
En septembre 2021 par exemple, le calendrier des travaux avait été adopté au lendemain de l’ouverture de la session. Ce qui n’a pas pu être le cas cette fois-ci, notamment à cause de différentes tensions qui ont marqué le début de la session budgétaire en cours, notamment à travers les pétitions contre certains membres du bureau de l’Assemblée nationale. Ces tensions ont conduit à la démission de Vital Kamerhe (AA-UNC) et Dominique Munongo (Ensemble), respectivement président et rapporteure adjointe de la chambre basse du Parlement congolais.
Depuis, le bureau intérimaire conduit par Jean-Claude Tshilumbayi (UDPS-Tshisekedi) tente de maintenir le fonctionnement de l’Assemblée nationale dans un climat de méfiance et de fragilité politique, écartant toute tentative d’inscrire l’élection du nouveau président du bureau au cours de cette session. « Ce qui est arrivé dans cette chambre, c’est bien une crise ; et la crise dans notre pays a un arbitre : il s’appelle le chef de l’État. Il est saisi, nous attendrons ses orientations », a-t-il martelé, le jour de l’adoption du calendrier des travaux, aux députés qui ont essayé de revenir sur le sujet.
Cette ligne est soutenue par un groupe de députés rangées au sein du groupe politique UDPS et mosaïque, notamment André Mushongo (2A-TDC) qui estime que l’« urgence » aujourd’hui n’est pas l’élection d’un nouveau président, mais l’adoption du budget 2026.
Si la session de septembre est effectivement budgétaire, le contenu du calendrier contient tout de même plusieurs autres sujets :
- 8 matières non législatives, dont 3 arriérées, parmi lesquelles l’examen des rapports annuels des institutions d’appui à la démocratie, notamment ceux de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) ;
- 32 arriérés législatifs, notamment la proposition de loi portant organisation du service militaire obligatoire initiée par Claude Misare (AA-UNC) et la proposition de loi relative à l’accès à l’information publique et à la transparence de la vie publique portée par Jacques Djoli (Bâtissons le Congo).
- 12 nouvelles matières législatives, parmi lesquelles le projet de loi de finances pour l’année 2026 et celui portant reddition des comptes pour 2025 sont des nouvelles matières.
Derrière la quantité, la question de l’origine des textes
Si la diversité des matières témoigne d’un agenda chargé, elle pose aussi la question de leur origine et du rythme de production législative.
Du côté des arriérés, sur les 32 matières législatives, quatre seulement proviennent initialement du gouvernement. Il s’agit notamment de deux projets de ratification d’instruments internationaux relatifs à la prévention et à la lutte contre le terrorisme, ainsi qu’à l’élimination du commerce illicite du tabac. Les 28 autres arriérés sont des propositions de loi, initiatives des députés.
Ces dernières couvrent un large spectre : création d’un tribunal pénal financier, mise en place d’un parquet national économique et financier, contrôle des établissements de crédit, sécurité alimentaire, régulation des baux et loyers, ou encore reconnaissance de plusieurs ordres professionnels (nutritionnistes, techniciens du développement rural, biologistes, etc.). Fait singulier, la proposition de loi portant création, organisation et fonctionnement de l'ordre des psychologues cliniciens est portée séparément par deux députés : Lambert Mende (AE-AUN-AMSC-Palu) et Olivier Tombe (Le peuple d’abord).
Cette configuration illustre une forte activité d’initiative parlementaire face à un exécutif qui peine souvent à suivre son propre agenda législatif. Toutefois, les principales nouvelles matières, y compris le projet de budget 2026 et la reddition des comptes 2025, proviennent du gouvernement.
Graphique 1 : Arriérés législatifs
Graphique 2 : Nouvelles matières législatives
Calendrier ambitieux ou scénario du déjà vu ?
Mais cette multiplication de matières cache une autre autre réalité : le faible taux d’examen ou d’adoption d’initiatives déposées. Très souvent, l’Assemblée nationale apparaît finalement comme une institution surchargée, confrontée à un stock d’arriérés qu’elle peine à absorber, malgré une productivité apparente
Entre septembre 2020 et décembre 2023 par exemple, Talatala a documenté que sur les 177 moyens de contrôle et d’information déposés, seuls 11 avaient été examinés à l’Assemblée nationale.Au cours de la législature passée, marquée par plusieurs faits saillants, notamment la mutation de la majorité au Parlement et l’affaiblissement du contrôle parlementaire, la chambre basse a vu sa capacité à jouer son rôle de temple de la démocratie remise en cause. Seules 7 de 170 initiatives parlementaires déposées à l'Assemblée nationale ont été examinées en plénière entre septembre et décembre 2024. Aucune initiative relative à la sécurité n’a été discutée, alors que sept moyens de contrôle avaient été déposés sur cette question, en pleine recrudescence de la violence armée dans l’est du pays. L’attention des élus semblait ailleurs, confirmant la tendance récurrente : les priorités politiques prennent souvent le pas sur les urgences nationales.
Aujourd’hui encore, la session en cours compte 18 matières de plus que celle de mars 2025, en dehors des initiatives déposées pendant les vacances parlementaires. Si ce calendrier est exécuté dans son intégralité, l’Assemblée nationale pourra revendiquer une avancée significative. Sinon, elle risque de reproduire un scénario familier : celui d’ambitions affichées mais jamais rarement atteintes.
Photo : projet de calendrier des travaux de la session ordinaire de septembre 2025.